Je n'ai pas le souvenir d'une campagne présidentielle américaine ayant démarré si tôt et nous sommes encore à un an de la primaire du New Hampshire. (Ok, je n'en ai couvert que trois...). Time Magazine relevait la semaine dernière que le champs n'avait plus été aussi ouvert depuis 1928 en raison de l'absence d'un président sortant ou d'un vice-président sur les rangs (tiens, Time a donc éliminé Al Gore. Sa nomination aux Oscars et celle au Nobel de la paix pourraient pourtant lui servir de joli tremplin et il peut faire valoir son opposition de toujours à la guerre en Irak et son engagement pour la sauvegarde de l'environnement).
Je vois dans cette frénésie précoce le besoin d'occuper le terrain au plus vite à un moment où le pays est en profonde quête d'identité et a en grande majorité lâché Bush, républicains compris. La guerre contre le terrorisme ne prend plus, les dépenses astronomiques qu'elle impose ne justifient plus, pour nombre d'Américains, les coupes sévères dans le budget social. D'où la nécessité pour les wannabe présidents de se présenter rapidement pour forcer, d'une certaine manière, les dossiers de 2008. (et aussi pour lever suffisamment de fonds, histoire de tenir la route. La dernière présidentielle avait déjà été la plus chère de l'histoire; celle-ci battra sûrement ce record.). Ils sont déjà une vingtaine en lice.
Parmi eux, Barack Obama. Le sénateur-candidat de I'Illinois était la semaine dernière à la Nouvelle Orléans pour des auditions du Sénat sur le "terrain" (fields auditions). La nuée de journalistes débarqués de Washington (et de l'étranger, j'ai repéré une collègue allemande en pamoison à chaque fois que le bel Obama prenait la parole)* n'en avait que pour lui. "Monsieur Obama, si vous étiez Président que feriez-vous pour aider la Nouvelle Orléans?" Monsieur Obama, si vous aviez été Président pendant Katrina, qu'auriez-vous fait?". Elégant, Obama répond toujours, mais évite le "si j'étais président". Il lâche tout de même qu'il n'aurait pas attendu 3 jours pour venir voir de lui-même et certainement pas par un survol à bord d'Air Force One.
Sa venue en Louisiane n'était pas anodine. Il y a d'abord l'électorat noir à convaincre qu'il est bien un des leurs. Certains en doutent, car né de père africain et de mère blanche du Kansas, il ne partagerait pas l'histoire et les souffrances des Afro-Américains. Mais surtout, il y a un état à prendre. La Louisiane avait brièvement fait partie des fameux "swing states" (Etats indécis) en 2004, pour tomber assez vite dans le camp républicain. Il en ira autrement en 2008. Le ras-le-bol contre l'administration Bush est ici assourdissant.
Il y a évidemment les laissés-pour-compte pendant Katrina, noirs et pauvres dans leur majorité, mais il y a surtout l'ensemble de la population du Sud de la Louisiane, toute race confondue, qui ne comprend pas que l'aide fédérale mette tant de temps à arriver, qui comprend encore moins les chicaneries de la FEMA (l'agence fédérale de gestion des catastrophes), qui menace tous les six mois de ne pas prolonger le droit à l'assistance au logement, qui ne supporte plus les différences de traitement entre le Mississippi (républicain) et la Louisiane (dont les élus locaux sont en majorité démocrates). L'omission de Katrina par Bush dans son dernier discours de l'Union a été le pompon.
M. Obama a osé quelques propositions qui ne sont pas tombées dans les oreilles d'abstentionnistes. S'il convainc le Congrès de voter une rallonge pour la Louisiane, on se souviendra de lui dans ce coin de pays.
*FGO (For girls only): oui, il est vraiment canon.