Dans cet
entretien, Stephen Prince disait déjà sa conviction sur l’effet de la violence
au cinéma sur les spectateurs, les plus jeunes en particulier. Le matraquage
d’images fortes – un Américain moyen verrait près de 20 000 morts violentes
simulées sur écran au cours de sa vie – désensibilise le spectateur, expliquait
Prince, « raison pour laquelle les cinéastes travaillent tellement leurs
scènes de violence, toujours plus longues, plus étoffées et sophistiquées dans
leur mise en scène et leur montage, avec gros plans, ralentis, mouvements de
caméras inattendus, pour à chaque fois, capter l’attention ».
Il avait analysé
pour nous plusieurs films, dont Bonnie
and Clyde d’Arthur Penn,
Orange Mécanique de Stanley Kubrik et le désormais incontournable « Basketball
Diaries », avec Leonard di Caprio dans le rôle de l’étudiant psychopathe et tueur. C’est
ce film qui aurait, croit-on, inspiré les deux jeunes tueurs de l’école Columbine,
l’autre tragédie qui avait secoué l’Amérique, le 19 avril 1999, à Denver, au
Colorado. On avait beaucoup glosé alors sur « l’effet copycat »,
l’effet d’imitation, que ces films induisent sur des jeunes gens perturbés, mal
dans leur peau, rejetés parfois par leurs pairs.
En filigrane
bien sûr, l’éternel débat qui ne manquera pas de rebondir sur la libre
circulation des armes à feu aux Etats-Unis, intouchable au nom du sacro-saint deuxième amendement de la Constitution
qui garantit le droit à la libre défense et au port d’arme. Le tueur se serait
servi de deux armes, un 9mm et un 22 calibre. Depuis Columbine pourtant, et
malgré l’onde choc qu’avait créé ce massacre, aucune nouvelle législation sur
le port d’arme n’a été déposée au Congrès. Pire, le moratoire de dix ans sur la
vente des armes d’assaut semi-automatiques, adopté au début du mandat de Bill
Clinton en 1994, n’a pas été reconduit en 2004.