Et dire que les journalistes craignaient de bailler à bouche ouverte lors de la Convention républicaine de St-Paul, après une Convention démocrate rythmée par les derniers soubresauts de la rivalité entre les Clinton et Barack Obama. Tout paraissait réglé sur du papier à musique. Sauf que les instruments étaient très mal accordés. Passons sur le report dû à l'Ourage Gustav qui a menacé de submerger une nouvelle fois la Nouvelle Orléans. La bonne nouvelle est que les digues de Big Easy ont bien résisté à l'assaut qu'elles ont subi. J'en suis la première sincérement ravie. Ceux qui connaissent mon blog précédent savent combien cette ville m'est chère.
Non, le vrai sujet de St-Paul, c'est le choix de Sarah Palin comme colistière de John McCain. La présentation de cette jeune gouverneure de l'Alaska (44 ans), s'était faite en grandes pompes à Dayton vendredi dernier et avait surpris jusque dans le camp républicain. Le jeu était risqué (en raison de son inexpérience, 18 mois au gouvernement et 8 ans à la tête d'une ville de 7000 habitants), mais le script avait été bien préparé. Dans l'ordre, les républicains rencontrés à St-Paul me disent: elle a au moins autant d'expérience que Barack Obama et elle est numéro deux de notre ticket, elle symbolise les réformes car elle a osé s'opposer aux républicains de son état, le parti républicain est plus innovateur que les démocrates en plaçant sur son ticket une femme, le choix que n'a pas osé faire Obama.
Voilà pour le spin. Reste les casseroles. Mme Palin est une conservatrice, pro-avortement, pro-life, qui réclame l'enseignement de l'abstinence dans les écoles publiques de son état. Un point pour la base religieuse du parti qui a encore du mal à digérer le choix de McCain comme candidat à la Maison Blanche. Je vois mal en revanche comment Mme Palin peut sérieusement convaincre les supporters d'Hillary de rallier en masse ce ticket républicain. Mme Palin a certes combattu les républicains de son parti en Alaska, mais ceux-ci ont la triste réputation d'être particulièrement corrompus. Deux de leurs représentants à Washington, le Sénateur Ted Stevens et le député Don Young, sont actuellement sous enquête pour corruption et fraude....
Plus amusant, Mme Palin fut membre du parti pour l'indépendance de l'Alaska de 1994 à 1996. Le mari de Mme Palin, Todd fut membre du parti de l'Indépendance de l'Alaslka de 1994 à 1996. Elle a elle-même participé à quelques réunions de l'AIP*. Troquera-t-elle le slogan de McCain, "Country First" (le pays d'abord) pour un "Alaska first"? Mme Palin est également sous enquête pour abus de pouvoir. Elle aurait fait virer le chef de la de la sécurité de la police d'état (state troopers). Celui avait refusé de céder à l'ordre de Mme Palin de virer son beau-frère de la police, pour une histoire de garde d'enfants suite à un divorce tumultueux entre la soeur de la gouverneure et le beau-frère policier.
Et puis hier, la petite bombe qui a visiblement agacé les républicains même si déjà la ligne de défense se met en place: la fille de Mme Palin, 17 ans, lycéenne célibataire, est enceinte de 5 mois. Rien de forcément inhabituel en Amérique o?u les grossesses d'adolescentes sont monnaie courante. Le problème: Mme Palin prêche l'abstinence pour toute forme d'éducation sexuelle dans les écoles. Certains parleront d'hypocrisie, d'autres d'irresponsabilité.
Mais les affaires de famille sont les affaires de famille, c'est du reste le nouveau motto des républicains (amusant comme les valeurs familiales dont devenues les affaires de famille). Certains invoquent même Barack Obama qui a dit très respectueusement, que les enfants et la famille ne devraient pas être des sujets de campagne.
Le plus gênant dans la nomination de Mme Palin n'est pas Mme Palin, mais les qualités de jugement de John McCain et surtout sa faible résistance aux pressions de son parti. Il est désormais de notoriété publique que McCain aurait préféré avoir à ses côtés le sénateur Joe Lieberman, le transfuge du parti démocrate, ancien colistier d'Al Gore en 2000. Un choix cohérent pour McCain. Les deux hommes se respectent, partagent une même idéologie sur les questions militaires et internationales et sont amis. Mais voilà, Lieberman est pro-avortement et tout de même démocrate sur les questions sociales. En gros, une hérésie pour la droite religieuse. McCain a donc cédé aux pressions des éléments roviens (de Karl Rove, ancien stratège de George Bush) et choisi cette parfaite inconnue qu'est Mme Palin.
Curieusement, ces fameux roviens (Steve Schmidt en tête, le nouveau stratège de la campagne de McCain, à l'origine des attaques incessantes et souvent mensongères contre Barack Obama, alors que McCain s'était insurgé contre les attaques négatives dont il avait lui-même été l'objet en 2000 par des membres de l'équipe de Rove-Bush) n'ont visiblement pas fait leur boulot.
McCain n'aurait rencontré que deux fois Mme Palin. Le choix s'est également fait dans la précipitaiton. Plusieurs politiciens de l'Alaska se sont dit surpris de n'avoir jamais été contactés par l'équipe de McCain. Ils auraient pu les prévenir d'une ou deux des casseroles que traîne Palin. On apprenait hier que 25 membres de la campagne de McCain sont partis ce week-end à Anchorage et Juneau (la bien nommée capitale de l'Alaska), pour enquêter davantage. Ils seront sans doute pris de court par l'armée de journalistes qui est déjà sur place.
*C'est la présidente de l'AIP qui a initialement annoncé que Mme Palin était membre du parti. Elle a corrigé son erreur en milieu de semaine affirmant que Todd Palin était bien inscrit au parti mais pas Sarah Palin. Ayant aperçu cette dernière à quelques réunions, elle en avait déduit que celle-ci était également membre.