Le très controversé pasteur de Barack Obama, Jérémiah Wright, est un homme de peu de loyauté. Le show qu'il a donné pendant trois jours sur la chaîne PBS d'abord, à Detroit ensuite devant la NAACP et lundi matin à nouveau devant la National Press Club a surtout prouvé qu'il n'a pas la grandeur d'âme ni la bienveillance de son ouaille la plus célèbre. Quant Barack Obama s'est trouvé pris dans la tourmente des propos de son pasteur (le sida a été inventé par le gouvernement pour éliminer la population noire, Que Dieu maudisse l'Amérique pour n'avoir pas mieux traité ses citoyens noirs et démunis, et le très juteux Bill Clinton nous a fait ce qu'il a fait à Monica Lewinsky), il ne s'est distancé que des propos, mais n'a pas renié l'homme qu'il décrit comme son mentor spirituel, qui l'a baptisé, l'a marié, a baptisé ses deux filles.
La réponse du Pasteur ressemble à celle d'un homme égoîste et blessé dans son orgueil: "Barack Obama n'est qu'un politicien, je suis un pasteur". Il dénonce aussi ce qu'il perçoit comme des attaques nont pas "contre lui mais contre l'Eglise noire". Aux journalistes qui lui demandent s'il n'a pas peur de faire ombrage au sénateur il se contente d'un" je ne suis pas dans la course à la présidence, mais j'accepterais le poste de vice-président", lancé comme un gag. Certes l'homme cherche à sauvegarder une vie entière au service de Dieu et surtout de ses paroissiens. Il a même certainement raison de défendre l'oeuvre des Eglises noires dans le pays et de noter leur "différence". Encore qu'à la cultiver, il ne facilite pas la réconciliation ni surtout le partage. Reste la manière.
Jérémiah Wright ne semble à l'aise que dans la provocation, le défi, et même le mépris. L'homme a visiblement une très haute opinion de lui-même. Pas une once d'humilité dans ses discours. Son offre de dialogue pour la réconciliation entre les communautés sonnait plus comme un défi que comme une invite sincère. L'homme est en colère, contre l'histoire (sans doute avec raison) et on a presque l'impression qu'il est en colère aussi contre Barack Obama (parce qu'il prône une autre approche de la réconciliation?).
Assurément, ses interventions ce week-end n'ont pas aidé le sénateur de Chicago.
La pilule doit être amère pour ce dernier. Les analystes le disent pris au piège. S'il ne dit rien, il ne fait que maintenir en vie à une polémique qui menace d'empoisonner sa campagne et pourrait même lui coûter sa nomination. S'il renie son pasteur, il court le risque de passer pour un politicien "as usual", opportuniste quand le vin tourne au vinaigre.
Je ne suis pas certaine que de poursuivre sur la voie prise jusqu'ici soit la meilleure pour Barack Obama. Il a affirmé lui-même dans une interview à Fox News (après avoir boudé la chaîne conservatrice pendant 771 jours) que la question était politiquement légitime, ouvrant de fait la porte aux républicains et à John McCain pour la trouver eux aussi "légitime". Ce dont acte. Les républicains n'avaient du reste pas attendu la "légitimité" de la situation pour l'exploiter.
En Caroline du Nord, le parti local a utilisé des images de Jérémiah Wright pour dénoncer les élus locaux ayant soutenu Barack Obama. A ce stade, le meilleur choix pour Barack Obama serait sans doute de couper les ponts avec son pasteur. Difficile de donner un conseil sur la forme, mais plus vite la distance sera mise, plus vite il pourra passer à autre chose. Laisser pourrir la situation jusqu'à l'élection générale - s'il devient bien le nominé - serait un cadeau inespéré pour les républicains.