C'est samedi que le Comité du règlement (rules and bylaws Committee) du parti démocrate se réunit à Washington pour trouver une solution à l'épineux problème posé par la Floride et le Michigan, deux états qui n'ont pas respecté le calendrier électoral du parti en avançant la date de leurs primaires. En octobre, le comité décidait que les résultats de ces deux scrutins ne compteraient pas. Les candidats démocrates avaient accepté et signé une lettre s'engageant à "ne pas faire campagne ni à participer" dans ces deux états. On connaît depuis le retournement de situation: Hillary Clinton a remporté ces scrutins "symboliques" et réclame que leurs résultats soient comptabilisés.
Si le parti démocrate avait dans un premier temps campé sur sa position initiale (les règles sont les règles), il a accepté d'entendre les motions déposées par les deux états pour trouver une solution à une situation qui envenime la primaire démocrate. Le camp de Barack Obama qui avait traîné les pieds en mars quand l'idée d'autoriser la tenue de nouveaux scrutins était dans l'air, convient désormais aussi qu'il faut trouver un compromis pour que les délégués de Floride et du Michigan soient présents à la Convention de Denver en août. Le poids de ces deux états est trop important en novembre pour les ignorer totalement. Reste à savoir dans quel proportion et avec quel pouvoir.
N'en déplaise aux deux candidats, plusieurs facteurs vont guider la recommandation que formulera le comité. Ralph Dawson, un de ses membres et accessoirement superdélégué de New York qui n'a pris parti pour aucun des candidats, me les a résumés lors d'une récente interview:
1. Il faut prendre en considération la volonté des électeurs. Interprétation: pas question d'imposer la punition initiale. Les délégués de Floride et du Michigan se retrouveront bien à Denver.
2, Tenir compte du fait que 48 états ont respecté les règles du parti. Inteprétation: Il est hors de question de laisser tous les délégués de ces deux états participer à Denver comme si de rien n'était. Certains insiders du parti proposent de n'en autoriser que la moitié (comme le parti républicain), d'autres disent invitons-les tous mais avec une demi-voix chacun comme pour les Américains de l'étranger, Les avocats du parti eux ont fait savoir que la réintégration totale des délégués constituerait une violation des règles internes du parti.
3. Tenir compte de l'avis des candidats. Interprétation. Ni Obama ni Clinton ne recevront entière satisfaction. Hillary Clinton souhaite que les délégués de Floride soient attribués sur la base des résultats du scrutin (50%-33%). Pour le Michigan, c'est plus compliqué, seul son nom ainsi que ceux de Dennis Kucinich et Mike Gravel figuraient sur les bulletins de vote. Clinton avait d'abord proposé qu'on lui attribue les délégués choisis par ses électeurs et aucun à Obama. Depuis peu, elle a adouci sa position: tous ses délégués pour elle et une moitié des "non engagés", en vertu d'un raisonnement qui voudrait qu'une partie des électeurs ayant choisi un des candidats autres qu'Obama à l'époque aurait pu la choisir en 2e choix. Barack Obama ne partage évidemment pas cette mathématique. Son camp a d'abord proposé un partage 50/50, solution vouée à l'échec puisqu'il ne donnerait aucun avantage net à Mme Clinton. On le dit désormais prêt à un compromis, non spécifié. Le Michigan lui a fait sa propre proposition.
Au délà de cette cuisine mathématique, qui n'apportera de toutes façons pas à Hillary Clinton le nombre de délégués nécessaires pour dépasser Barack Obama. (sa campagne a reconnu que même avec le meilleur compromis possible, elle aura toujours une centaine de délégués de retard sur son rival), la sénatrice de New York cherche surtout à convaincre les superdélégués qu'elle est la meilleure candidate pour battre John McCain en novembre. Elle vient de leur adresser une longue lettre dans laquelle elle refait l'inventaire ses arguments.
- elle gagne le vote populaire: l'argument ne convaincra pas, les règles du parti sont claires, c'est le nombre de délégués qui détermine l'issue des primaires. Changer de règle en cours de parcours est irrecevable. Les stratégies des deux campagnes auraient été fort différentes. De plus, on ne connaît pas avec exactitude le nombre de voix obtenues par les candidats dans 4 états ayant tenu des caucus.
- elle gagne les swing states. (j'ai déjà commenté cet argument)
- elle représente une large coalition de femmes, de latinos, de personnes âgées et de petits revenus. Obama répond qu'il représente une large coalition d'Afro-Américains, de jeunes et de moins jeunes, et de progressistes.
- les sondages contre McCain la montrent mieux placée qu'Obama pour gagner les états swing. C'est vrai pour l'Ohio, la Floride, la Pennsylvanie (même si Obama est également devant McCain dans ce dernier état). Mais c'est faux au Wisconsin, en Iowa ou au Colorado. L'argument pourrait néanmoins déstabiliser certains superdélégués. Les sondages d'aujourd'hui ne disent rien des résultats de novembre, rétorquent les supporters d'Obama. On se souvient qu'au début décembre encore, Hillary était la candidate à battre dans tous les sondages, côté démocrate, devançant ses candidats de plus de 20 points d'écart dans certains états. Les campagnes ont une raison d'être. Celle entre John McCain et le candidat démocrate n'a pas encore commencé. Enfin, si on ne s'appuie que sur les sondages, ceux-ci montrent qu'Obama est compétif dans tous les segments clefs de l'électorat contre McCain.
- plus spécieux, Hillary estime qu'elle menèra la course dans le vote populaire et les délégués des états ayant tenu des primaires (exit les états à caucus. Mme Clinton omet de dire que ses stratèges n'avaient pas estimé nécessaire d'y faire campagne, comptant faire la différence dans les grands états du supertuesday et plier du même coup la course des primaires le 5 février).
Les supporters de Mme Clinton vont débarquer en masse à Washington samedi. A l'inverse, le directeur de campagne de Barack Obama invite ses supporters à ne pas venir manifester (ils sont nombeux à avoir appelé à une contre-manif) pour ne pas donner un spectacle de chaos et éviter (il ne le dit pas comme ça) les échauffourées entre les deux camps.
A samedi donc, la réunion sera retransmise par plusieurs châines américaines, il était même question qu'elle soit diffusée sur le site du DNC, mais je n'ai pas pu vérifier cette info. Si quelqu'un en sait plus sur le sujet, merci de le signaler en commentaire.