C'est finalement Barack Obama qui a tiré son épingle du jeu de ce premier débat télévisé vendredi soir. On l'attendait sur l'économie, c'est finalement sur les questions internationales qu'il a marqué des points contre John McCain, simplement en prouvant qu'il maîtrise les dossiers. Il a été à la hauteur du test que représentait pour lui ce premier débat. John McCain a tablé toute sa candidature sur les questions internationales et militaires. Or Barack Obama a montré une connaissance approfondie des dossiers. Sur le fonds, il n'y a pas eu de réelles surprises. Les deux candidats ont répété des positions connues.
John McCain n'est ainsi pas parvenu à désarçonner Barack Obama sur l'Irak notamment. Si le républicain a répété à l'envi que son rival ne "comprenait pas" la situation", ou même la différence "entre tactique et stratégie", Barack Obama l'a constamment renvoyé à ses erreurs de jugement, notamment sur la justification de la guerre, sur le fait qu'elle a créé des foyers de terrorisme, qu'elle a renforcé la position de l'Iran dans la région. Barack n'a surtout cessé de lier les positions de John McCain à celles de l'administration Bush. Facile, mais percutant, quand les 2/3 du pays se disent aujourd'hui opposés à la guerre en Irak et que la cote de popularité du président est au plus bas.
Ces passes d'armes n'auront pas fait sourciller ceux qui ont déjà un avis tranché sur ces questions de politique étrangère. Ce n'était pas le but du jeu. Ce débat s'adressait avant tout aux indécis. Et dans cette joute, c'est Obama qui a davantage convaincu. Selon un sondage CBS News auprès d'électeurs indécis, 40% d'entre eux pensent que Barack Obama a gagné le débat, alors que seuls 22% pensent que cette victoire est allée à John McCain.
Les deux hommes ont en revanche sincèrement déçu sur l'économie et le marasme financier. Par tactique politique, aucun des deux ne s'est prononcé sur le plan de sauvetage de Wall Street, âprement négocié ce week-end encore à Washington. Ils préfèrent ne pas toucher à la "patate chaude" alors qu'une majorité grandissante de l'opinion publique voit d'un mauvais oeil cette main tendue à Wall Street sur le dos du contribuable. Barack Obama a lâché un laconique "nous n'avons pas tous les détails", à la question de savoir s'il soutenait le plan. McCain a été encore plus sobre, se contentant d'un "j'espère" quand il lui a été demandé s'il voterait en faveur du plan.
D'une manière générale cependant, les 40 premières minutes du débat, centrées sur les questions économiques, auront également été favorables à Barack Obama. Ne serait-ce que parce qu'il a montré de l'empathie sur les difficultés rencontrées par la classe moyenne et les travailleurs dans cette période de grande incertitude. A trop insister sur la nécessité de couper les "earmarks", ces dépenses discrétionnaires que s'autorise le Congrès, McCain a donné l'impression de ne pas être capable de s'élever au-dessus de son rôle de sénateur. Barack Obama a justement fait remarquer que ces dépenses, même si certaines sont indésirables, ne représentent que 18 milliards de dollars, une peccadille face aux 300 milliards de réductions fiscales que McCain compte octroyer aux ménages les plus riches et aux entreprises.
Enfin, de nombreux observateurs ont remarqué la différence de gestuelle entre les deux candidats. Pas une seule fois, John McCain n' a regardé Barack Obama dans les yeux, dans un format qui voulait pourtant favoriser le dialogue entre les deux hommes. Une attitude perçue comme une forme de mépris pour son son rival, qui pourrait ne pas forcément bien passé auprès de l'électorat. De son côté, Barack Obama a semblé parfois un peu raide. En revanche, il s'est enfin départi du ton professoral qui a souvent caractérisé ses performances pendant les débats des primaires.
Prochain rendez-vous, le 2 octobre, entre les deux colistiers, soit Sarah Palin et Joe Biden. Vu les (rares) interviews pathétiques qu'a données Sarah Palin jusqu'ici (elle connaît bien la Russie car on voit ses côtes depuis celles de l'Alaska...), on s'attend à ce qu'elle soit ridiculisée par Joe Biden. Et c'est bien là tout le défi qui se pose au colistier d'Obama. Ne pas paraître condescendant ou arrogant (il serait immédiatement accusé de sexisme), face à une candidate qui très visiblement n'est pas à la hauteur. Et c'est là qu'elle pourrait suprendre. On se souvient des performances de George Bush en 2000 contre Al Gore. A force de se donner des airs de supérioité face à un candidat très clairement moins brillant que lui, Gore était passé pour pédant et donneur de leçons.