Il aura donc fallu un tremblement à Wall Street pour que l'on cesse enfin de parler caribous désossés et rouge à lèvres sur des cochons dans cette campagne. Alors que le Congrès semble peu enclin à donner au président de la Fed, Ben Bernanke et au Secrétaire au Trésor, Hank Paulson, le chèque de 700 milliards de dollars qu'ils réclament pour racheter les avoirs toxiques des banques et instituts financiers qui se sont embourbés dans les crédits à risques sans un minimum de supervision et de conditions, les deux candidats à la Maison-Blanche essaient de tirer la couverture à eux avec un bonheur relatif.
Après avoir attendu plusieurs jours pour prendre position, Barack Obama s'est rangé aujourd'hui derrière les positions démocrates. Il est favorable au plan de sauvetage pour autant qu'un certain nombre de conditions soient remplies. 1. le fonds doit être supervisé par une autorité composée de membres des deux partis. 2. Il est hors de question de garantir aux directeurs des firmes sauvées les bonus attendus avant la crise (c'est un comble que cela soit même en discussions!). 3. Le plan doit comprendre un pendant pour les propriétaires solvables qui souhaiteraient garder leur maison (l'idée qui circule parmi les démocrates est de renégocier les termes des hypothèques avec les propriétaires concernés). 4. Si le plan s'avère moins onéreux que prévu (le gouvernement compte revendre un certain nombre de ces avoirs lorsque le marché immobilier se redressera enfin), une partie des fonds récupérés devrait être retournée aux contribuables.
Durant la même semaine, McCain a d'abord joué les girouettes paraissant dépassé par les événements, avant d'adopter un ton franchement populiste. Il a commencé par affirmer que les fondamentaux de l'économie étaient solides le jour où Lehman Brothers se mettait en faillite et où Merrill Lynch se faisait racheter à prix bradé par Bank of America. Il a tenté de rectifier le tir le jour suivant en précisant qu'en fait, en parlant de fondamentaux, il pensait aux travailleurs américains et à leur productivité. Il s'est ensuite opposé au rachat du géant mondial des assurances d'AIG par le gouvernement avant d'y être favorable.
Le jour suivant, il déclare que s'il était président, il demanderait la tête de Christopher Cox, le patron du SEC, le Securities and Exchanges Commssion sans réaliser que cette prérogative n'appartient pas au locataire de la Maison Blanche. On précisera au passage qu'il fait de Cox le président de la FEC, soit la Federal Election Commission... Reprenant finalement ses esprits, il se penche sur le plan de sauvetage de la FED. Il veut lui aussi une supervision du fonds, continue à affirmer que son plan de réduction de l'impôt relancera l'économie, réclame de nouvelles régulations à tout va, alors qu'il a toujours siégé du coté des dérégulateurs au Congrès. Le revirement est spectaculaire.
A première vue, cette crise semble profiter à Obama qu remonte dans les sondages, même si l'écart entre les deux hommes reste serré. Le plan de sauvetage suscite de nombreuses inquiétudes aussi bien au Congrès qu'auprès de la population. Rien n'indique qu'il fonctionnera. Certains s'opposent au fait que le gouvernement vole au secours de Wall Street sans rien faire pour Main Street. (autrement dit l'Américain moyen).
John McCain pourrait par ailleurs sérieusement pâtir des allégations sorties cette semaine d'abord dans le New York Times , puis tout à l'heure dans Newsweek, selon lesquelles son directeur de campagne, Rick Davis, a été payé jusqu'au mois dernier par Freddie Mac, le géant du marché hypothècaire, au bord de la faillite, racheté lui aussi in extremis par le gouvernement il y a trois semaines. (le FBI vient d'ouvrir une enquête contre Freddie Mac et 25 autres firmes pour soupçon de fraude). Plus le pays s'enfonce dans la crise, plus il deviendra difficile pour McCain de justifier la kyrielle de lobbyistes travaillant pour sa campagne, alors qu'il n'a cessé de dénoncer les "special interests" qui pourrissent le climat à Washington.
Ces questions auraient pu être au centre du premier débat entre les deux candidats qui va se tenir vendredi soir au Mississippi. Malheureusement ce sont les questions internationales qui seront abordées (non qu'elles aient moins d'importance). Il n'est pas exclu cela dit que vu l'urgence du moment, le modérateur du débat ne s'autorise quelques entorses au règlement.