Depuis l’ère
de la télévision reine, les conventions politiques américaines sont formatées
dans les moindres détails pour le petit écran : l’heure des discours, les
interludes musicaux, les vidéos biographiques des candidats et bien sûr le
final sous les ballons et les confettis (même si Barack Obama a fait sans les ballons pour avoir choisi un
stade à ciel ouvert pour sa dernière soirée). Rien n’est laissé au hasard. Mais pour les 4200 délégués, les 15 000
journalistes et les 50 000 manifestants, supporters et bénévoles en tous
genres, les conventions ressemblent souvent à des marathons.
Erin Marie
Glynn, 25 ans, déléguée d’Atlanta à la convention démocrate de Denver, a eu le
tournis en découvrant la liste des événements :
3000 par jour ! «Je me limite à ceux près de mon hôtel, pas
question de perdre mon temps en trajet », me raconte-elle, alors qu’elle
participe à une journée de bénévolat avec un groupe de démocrates de Denver. On la comprend, comme les délégués de nombreux
états « rouges », soit républicains, son hôtel est à 20km du centre
ville. Les New Yorkais et les Californiens eux, ont eu droit au Sheraton, à 20
minutes à pied du Centre de la Convention.
Le traitement de faveur est cependant
allé à la délégation de l’Illinois, fief d’Obama, logée au Marriott avec ses
chambres à la vue spectaculaire sur la ville et les Rocheuses. Erin me dit se
ficher des privilèges. Elle est devenue déléguée de sa banlieue d’Atlanta pour
s’impliquer davantage dans sa communauté : « Je veux tisser des liens
avec les délégués géorgiens, pour être plus efficace à mon retour à
Atlanta ».
Pour le
délégué moyen, les journées commencent dès 7heures avec un invité au petit déjeuner. Mercredi
matin, les délégués de l’Alabama recevaientt l’ex-président Jimmy Carter qui a retrouvé ses lettres de noblesse dans le parti depuis
la guerre en Irak contre laquelle il s’est opposé. Il ne mâche pas ses mots non
plus contre les Clinton : « L’équipe d’Obama a essayé d’accommoder
les Clinton qui ont voulu deux soirées à la convention !». Comme d’autres dans le parti, il aurait
souhaité que les Clinton cèdent plus gracieusement la place au nouveau leader
des démocrates.
Cathy
Robinson, employée d’un cabinet d’avocats à Philadelphie, a fait elle le déplacement de Denver pour « être utile ». Elle a suivi
une brève séance de formation organisée par le parti en avril. Je la rencontre au restaurant de mon motel en bordure d’autoroute (oui moi aussi j’étais à 20km
du centre, n’est pas membre de la délégation de l’Illinois qui veut). « Soyez
aimable, donnez des informations aux gens», lance-t-elle à la petite équipe de bénévoles
qui ont fait connaissance la veille du premier jour de la convention. « Je ne suis même pas
sûre d’avoir un billet pour le dernier soir», me dit-elle encore alors qu'elle a payé les
900 dollars du séjour de sa poche.
Rebecca
Emory, 56 ans, elle, a eu plus de chance. Elle m’explique avoir eu droit à un « preferred
seat », en raison du nombre d’heures de bénévolat données pour le parti. Elle
n’est pourtant entrée au parti il n’y a qu’un an. « J’ai été républicaine toute
ma vie, mais Bush m’a fait changer, j’ai pris la peine de connaître Barack
Obama et j’ai été impressionnée », dit-elle en recouvrant des graffitis
sur les bennes de la ville de Denver. En
un an, elle a accumulé les heures de bénévolat pour le parti, grimpant les
échelons du parti jusqu’à devenir une déléguée du Colorado.
Pour le
journaliste, les conventions sont rarement des sinécures. Les événements les
plus selects ne sont accessibles que sur invitation. Inutile de rêver quand on
ne vient pas d’un état dit clef ou d’un état avec statut (voir plus haut). Mais,
quand j’ai vu un journaliste du Wall Street Journal se faire refuser
l’entrée du premier événement réunissant Michelle Obama et Hillary Clinton, mes
complexes ont disparu. Nous nous sommes tous deux contentés de l’overflow room,
en gros le hall où l’on retransmettait l’événement en circuit fermé. Remarquez,
les petits desserts étaient délicieux et le café offert.
Et puis, il
y a les fameuses parties, que l’on dit plus courues les unes que les autres.
Celle du magazine Vanity Fair s’annonçait comme la plus glamour et la plus
fermée de toutes. Un journaliste américain était prêt à troquer son passe pour
la soirée Obama contre une entrée chez Vanity. Là aussi, j’ai fait chou blanc. Curieusement
pourtant, la promesse de tomber sur Susan Sarandon, Ben Affleck ou Sean Penn
n’a pas attiré les foules. Le bruit a couru dans Denver que les parties des «
people » étaient d’un mortel ennui. Susan Sarandon était plus visible dans
la salle de la convention, que dans les clubs branchés de la ville. De bon
augure pour le parti si le spectacle est là où se sont les politiciens.