En attendant les résultats des primaires démocrates en Caroline du Nord et en Indiana, les républicains affûtent leur défense pour l'élection générale. J'ai eu l'occasion d'interviewer Newt Gingrich il y a dix jours à Washington. L'ancien speaker de la Chambre des représentants, qui avait mené la révolution
républicaine « Contrat pour l’Amérique » contre l’administration
Clinton en 1994, ébauche déjà les grandes lignes d’attaques que prépare le parti
républicain contre Barack Obama, qu’il pressent toujours comme le probable
nominé du parti démocrate
Vous vous souvenez? Après la victoire inattendue
de Barack Obama dans l’Iowa, les chroniqueurs conservateurs les plus en vue du
tout Washington ne trouvaient pas de mots assez forts pour chanter les louanges
de ce politicien hors pair. De l’ancien conseiller de George Bush, Michael
Gerson, au commentateur Bob Novak, ils étaient sous le charme et voyaient mal comment un des leurs pourrait
faire face à ce phénomène politique qu’ils n’hésitaient pas à comparer aux
frères Kennedy, tantôt à John, le président, tantôt à son frère, Bob, le
candidat à la présidentielle de 1968.
Trois mois plus
tard, à la faveur de la polémique suscitée par les propos sulfureux de l’ancien
pasteur d’Obama, Jeremiah Wright, et des difficultés rencontrées par le
sénateur de l’Illinois de remporter la confiance des cols bleus, les
républicains se remettent à croire qu’ils ont finalement tout de même une
chance de remporter la présidence face à lui. Et la stratégie de l’attaque se
précise.
Même si le récent
spot financé par le parti républicain de Caroline du Nord pour dénoncer les
excès du pasteur d’Obama prouve qu’à choisir, les républicains se sentiraient
mieux à l’aise contre une Hillary Clinton plus facilement définissable
politiquement. Pat McKenna du quotidien de Scranton en Pennsylvanie, me faisait du
reste remarquer, à l’instar d’autres commentateurs, que Barack Obama
« a été particulièrement classe en n’invoquant aucun des scandales de
l’administration Clinton, en particulier l’affaire Lewinsky. Les républicains
ne lui feront pas ce cadeau ».
Interview :
West Wing2008:
Pourquoi pensez-vous qu’Obama peine à décrocher cette nomination démocrate qui
ne devrait mathématiquement plus lui échapper ?
Newt
Gingrich : Obama n’est pas un gauchiste progressiste comme les autres. Rares
sont les progressistes qui peuvent se targuer d’avoir pour pasteur Jeremiah
Wright. Il est un politicien d’extrême-gauche, mais avec un beau sourire. Ce
n’est pas pour rien que le National Journal (conservateur) l’a taxé de sénateur
le plus à gauche. Mais il a été présenté comme un idéaliste plaisant,
unificateur et post-racial, comme un symbole culturel charismatique. Alors
qu’il n’est qu’un politicien de gauche se comportant comme n’importe quel
politicien. Les gens commencent donc à avoir des doutes.
Il y a un an les
républicains disaient qu’Hillary Clinton serait plus facile à battre, est-ce toujours
le cas ?
Je dirais que
Madame Clinton a un plancher plus élevé mais un plafond plus bas. Elle ne peut
pas espérer obtenir plus de 53% des voix mais elle n’ira certainement pas en
dessous de 47% lors de l’élection générale. Barack Obama en revanche a un
plafond plus haut mais un plancher plus bas. Il peut gagner jusqu’à 58% de
l’électorat en novembre comme il peut n’en mobiliser que 42%. Tout dépend de
quel Obama se présentera en septembre. Si c’est l’Obama de la gauche pure qui
méprise les petites villes, on a vu comment il s’est fait ramasser en
Pennsylvanie (qu’il a perdu 55%-45% contre Clinton, ndlr).
Obama ne serait
donc pas le candidat bipartisan qu’il affirme être ?
Bien sûr que non.
C’est un démocrate progressiste, mais il ne faut pas le sous-estimer. Il est un
des politiciens les plus accomplis de notre temps. C’est un intellectuel
attirant, sa famille est charmante, il a galvanisé la jeunesse et il surfe sur
cette « aura » de la différence. Mais la Pennsylvanie et dans une
moindre mesure l’Ohio ont coupé son élan, où il n’a pu compter réellement que
sur le vote noir et le vote de la gauche intellectuelle.
Obama et McCain
chassent sur les mêmes terres, les indépendants, Obama n’est-il dès lors pas un
plus grand danger pour John McCain ?
N’est-ce pas
ironique que McCain soit notre candidat, alors qu’on le pensait fini il y a
tout juste un an ? Mais il a montré pendant cette campagne le même courage
et la même volonté de vaincre que lors des 5 années passées dans les geôles
vietnamiennes. C’est un battant. Les Américains vont sans doute se dire, il
mérite qu’on regarde son programme à deux fois. Pendant que les démocrates
continuent d’en découdre, McCain se comporte déjà en homme d’état avec ses
voyages au Moyen-Orient, à Paris, à Londres. Mais Obama reste un formidable
adversaire. Il a réussi à mobiliser plus de deux millions de petits donateurs,
aucun politique n’avait réussi cela avant lui. Il demeure à mon avis le nominé
démocrate le plus probable, mais il n’est plus aussi intouchable qu’avant.
Regrettez-vous
d’avoir lancé la procédure de destitution contre Bill Clinton ?
Absolument pas.
Le président a commis un parjure devant une cour fédérale. Et cela constitue un
crime. Il n’est pas pensable de laisser un prédisent commettre un crime sans
que cela ne porte à conséquence. Ce serait la porte ouverte à la corruption.